Rwanda: « Notre destin, c’est la réconciliation »

By | mai 3, 2015

Il y a 21 ans, le 7 avril 1994, commençait le massacre d’un million de Rwandais. De cette épreuve qui a divisé les familles et fait s’exiler des milliers de personnes, est née la volonté d’œuvrer à la réconciliation chez Aloys Musomesha. Rencontre avec ce juriste spécialiste en droit humanitaire, vivant aujourd’hui à Beaumont.

« 21 ans après le génocide, je suis triste de ces événements qui ont lieu. Et en même temps, mon esprit est plein d’espoir puisque le peuple rwandais est sur la voie de la réconciliation. » Aloys Musomesha, qui s’exprime aussi paisiblement, fait pourtant partie des rescapés du Rwanda. Menacé à plusieurs reprises, notamment parce que son père était réfugié à l’étranger, l’homme originaire de Butare (Province du Sud) a d’abord exercé son métier d’avocat et spécialiste des droits de l’homme dans son pays. Puis, il est parti s’installer en Belgique d’où il a créé le projet pour la réconciliation (à découvrir sur le site www.projet-dvjp.net).

« Sans pardon, la blessure reste ouverte »

Avec le recul, Aloys Musomesha retient essentiellement de son expérience personnelle, les clés pour que les hommes et les femmes se pardonnent les uns les autres et avancent sur la voie de la réconciliation. Une nécessité même 21 ans après les faits, car sans pardon, « la blessure reste ouverte. Tant que la victime n’a pas travaillé sur elle-même pour atteindre ce pardon, elle voudra se venger. » Le même effort doit être fait, selon le spécialiste en droit de l’homme, du côté des criminels: « si la personne qui a offensé l’autre ne s’est pas repentie, elle peut récidiver. En osant cette demande de pardon, elle pourra se libérer un poids de la conscience. »

« Justice et réconciliation se complètent »

Chaque démarche de repentance est prise en compte dans le processus judiciaire sur le génocide. « La justice et la réconciliation sont deux processus indépendants qui se complètent », estime Aloys Musomesha. Le dialogue entre les victimes et les auteurs de ces massacres n’implique pas nécessairement un juge. Le créateur du projet pour la réconciliation prend un exemple: « Ce n’est pas facile, pour une mère de famille qui a perdu ses enfants pendant le génocide, de se tenir debout devant le bourreau de ses enfants. Il faut que chacun fasse un pas vers l’autre. Les responsables de l’Eglise au Rwanda ont parfois joué un rôle pour rapprocher les victimes et les responsables de l’infraction. »

« Comme une blessure qui cicatrise »

Pour que la justice puisse agir au Rwanda et juger les milliers d’accusés, le gouvernement a réactivé en 2001 des systèmes de justice locaux appelés Gacaca. Ces assemblées villageoises présidées par une personne sage a permis de pallier le manque de personnel judiciaire, et la destruction des tribunaux et des prisons. « Ce qui a été très positif dans ces Gacacas, estime le juriste en droit de l’homme, ces assemblées prenaient place sur les collines, sur les lieux mêmes des crimes. La population locale pouvait révéler la vérité. » Cette démarche n’épargnait pas de raviver les souvenirs douloureux: « comme une blessure qui cicatrise, cela fait mal de nettoyer la plaie. »

A.-F.de BEAUDRAP, Journal « Dimanche »

Source: Diocèse de Tournai

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