La réflexion philosophique du Médiateur et Responsable du Projet, Monsieur Musomesha Aloys, [à propos de l'article "L'amnistie et la grâce: des faux pardons pour une fausse réconciliation"] est très intéressante dans ce sens qu’elle suscite certaines interrogations. Aussi, quelques précisions sont-elles nécessaires pour enrichir la réflexion. Personnellement, j’admets que « le pardon politique », la « grâce présidentielle » et « l’amnistie législative » sont des vertus politiques. Mais contribuent-elles à la Réconciliation? D’emblée, le monde a besoin de paix par le pardon et la réconciliation. Il s’agit ici du « Vivre Ensemble », quand l’irréparable a été commis et si non, nié ou du moins contesté par son vrai auteur. Le pardon doit d’abord être un concept religieux et moral avant d’être politique. Il devient politique parce qu’il affiche sur la scène politique et diplomatique. Et demain, peut-être, il entrera dans les prétoires.
Le contentieux franco-rwandais est l’exact reflet de ce fait nouveau que, ni le droit international, ni plus largement, la philosophie politique classique ne font pas de place. La réconciliation est, par contre, un concept politique et juridique. Les deux ordres (pardon et réconciliation) s’opposent dans leur conception et leur finalité au-delà d’une ingénierie institutionnelle commune en vue de régler les questions de Mémoire et d’Histoire. La Loi sur le pardon ne serait-elle pas une réponse, à court-terme, politique et exclusive alors que la réconciliation est une réponse à long-terme, pédagogique et inclusive, mais aléatoire? De mon point de vue, il n’y a pas de réponse possible, mais il est possible de donner plus de chance à la Justice et ensuite de créer un espace de réconciliation entre la Justice et le Pardon. Étant donné que les États et les Sociétés (ex. Burundi et Rwanda) n’ont jamais, autant qu’aujourd’hui, compté de traumatismes, j’estime qu’il faut d’abord sortir les peuples de l’humiliation des Pathologies sociales qui laisseraient béantes, les plaies de ces Bastions et qui rouvriraient les cicatrices des Esprits.
Qu’en est -on de l’amnistie par rapport à la grâce? Quel rôle ont-elles à jouer dans les politiques de Réconciliation? De mon Point de vue, si la grâce (présidentielle) supprime ou diminue le quantum de la sanction, elle ne fait pas disparaître la condamnation qui reste instruite au casier judiciaire, il existe « une grâce individuelle » et une grâce collective ». La grâce individuelle doit être demandée au Président de la République par la requête. A la suite d’une instruction qui implique l’intervention du magistrat du Parquet, le Chef de l’État prend, le cas échéant, un décret accordant la grâce. Il existe aussi la grâce collective accordée à certaines catégories de détenus. Elle est souvent utilisée pour désengorger les prisons, par exemple à l’occasion d’une fête nationale (indépendance ou Libération!). La grâce n’est qu’un acte par lequel le Président de la République dispense un condamné frappé d’une condamnation définitive et exécutoire de subir tout ou partie de sa peine.
L’amnistie, constitue, au contraire, à supprimer rétroactivement le caractère d’infraction à certains faits et possède des conséquences plus fortes que la grâce présidentielle. L’amnistie efface le caractère délictueux de certains faits. L’amnistie éteint l’action publique. Avec l’amnistie, c’est la condamnation elle-même qui disparaît. Cependant, cette disparition est sans effet sur la partie déjà exécutée de la peine. L’amnistie en tant qu’acte législatif relève certes, de la compétence exécutive du Parlement qui précise la nature et la gravité des infractions concernées. Et si la Loi d’amnistie est normalement « un acte général » et impersonnel, elle peut néanmoins conditionner ses effets au respect par les criminels, avérés ou supposés, de certaines obligations.
S’agissant du pardon, évoqué plus haut, je crois que, dans le langage courant, on doit distinguer « pardon et excuse », même si les deux constituent une réponse possible à l’offense ou à la faute dans son contexte juridique. Pour qu’il y ait excuse ou pardon, il faut qu’il y ait eu faute, c’est-à-dire la transgression d’une règle. La faute revient à un acte mauvais, une forme du mal. Son appréciation est négative. Excuse et pardon interviennent en aval de la faute. La seule personne qui est habilitée à pardonner le fautif identifié est la victime. Le pardon n’est pas à interférer avec la sanction éventuelle du Tribunal. Le pardon n’est pas facile, il n’est pas non plus impossible à condition que la politique ne s’en mêle pas.
BAZIGIRA Alphonse