L’ONU a décidé de faire du 07 avril une « Journée internationale de réflexion sur le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 », sans qu’aucun consensus ne se dégage entre les pays membres de cette organisation, comme cela est d’habitude. Un de nos analystes politiques nous donne ses observations .
Le 26 janvier 2018, dans sa Soixante-douzième session, l’Assemblée générale des Nations Unies a décide « de proclamer le 7 avril Journée internationale de réflexion sur le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 » et a rappelé, à la même occasion, « que, durant le génocide des Tutsis en 1994, des Hutus et d’autres personnes s’étant opposées au génocide ont également été tués ». Cela signifie que cette date va désormais être mentionnée sur le calendrier des commémorations Nations Unies. Les observations ci-dessous montrent les manquements de cette décision, ce qui fait qu’elle n’a pas toute sa force erga omes qu’elle est censée avoir.
Sur la forme
Le Président de l’Assemblée générale, Mr Miroslav Lajcak, un peu peut-être embarrassé, a décidé d’adjoindre à cette décision le lancement d’un appel au respect de la Trêve olympique sur lequel il a eu un long exposé. Il n’a pas fait aucun exposé de motif sur cette décision comme il venait de le faire au sujet de la Trêve olympique. Le consensus se définit comme la pratique destinée à parvenir à l’élaboration d’un texte par voie de négociation et à son adoption sans vote. Or, la décision a été concoctée en toute discrétion par les diplomates rwandais, israéliens et équato-guinéens (ces derniers représentaient le groupe Afrique). Les autres ont été mis devant un fait accompli. C’est ce qu’on peut constater en lisant la réaction du représentant de l’UE: “une réunion aussi importante aurait requis davantage de temps et qu’il aurait été adéquat de débuter les discussions bien avant le 20 novembre 2017”. Il est clair que pour parvenir à cette décision, il n’y pas eu assez de réunions (ni officielles, ni officieuses) entre tous les groupes géographiques. On dirait un hold up décisionnel à l’Assemblée générale de l’ONU! Piège à l’Assemblée générale qui est considérée comme l’organe dont les décisions devraient être transparentes et équitables. Où est la défense des intérêts de tous les peuples? Malheureusement, il n’existe pas de voie de recours en annulation pour les décisions de l’Assemblé générale. Mais l’annulation de ses propres décisions est possible (il y a eu des cas). C’est question de rapport de force en présence.
Sur le fonds
Sur le fonds, cette décision n’est pas le reflet des vues de la communauté internationale pour des raisons ci-dessous.
Des réserves qui équivaudraient à des opinions dissidentes
La représentante des États-Unis a insisté sur l’importance qu’il y a à commémorer la mémoire des plus de 800 000 personnes qui ont perdu la vie pendant des violences innommables au Rwanda en 1994. En se ralliant au consensus sur ce texte, les États-Unis, a confié la représentante, voient l’occasion de nous rappeler notre humanité commune pour pouvoir prévenir ce type d’atrocités de masse et défendre les droits et la dignité de chaque être humain. Toutefois, la représentante a estimé que la seule modification du titre et de certains termes du dispositif de la résolution de 2003 ne permettait pas de couvrir toute l’ampleur des atrocités. Elle n’a pas caché ses réserves quant à l’idée de revenir sur des textes précédents, sans pour autant s’opposer au texte adopté aujourd’hui. Le représentant de l’Union européenne a jugé essentiel de se souvenir et de réfléchir, au niveau international, à des tragédies comme le génocide qui a frappé le Rwanda. L’Union européenne se félicite donc de la décision adoptée ce jour mais elle regrette profondément que le consensus n’ait pas été possible sur le fait que la Journée devrait aussi inviter à réfléchir sur le sort des autres victimes, les non-Tutsis qui s’étaient opposés au génocide. Même si la représentante d’Israël s’est associée au consensus, c’est en Israël même que sont venues des critiques sur cette décision. Avraham Avi Gabbay, Président du Parti travailliste israélien, a condamné Netanyahu pour cette résolution sur le génocide rwandais. Pour Avraham Avi Gabbay, Israël a soutenu une résolution de l’ONU proposée par le Rwanda pour instaurer une journée de commémoration du génocide du pays comme étant spécifiquement dirigée contre le groupe ethnique des Tutsis, soutenant un geste largement considéré comme minimisant la mort de milliers de Hutus pendant le génocide de 1994.
Contradictions et hypocrisie du gouvernement rwandais dirigé par le FPR
Remplacer les mots “génocide au Rwanda” par ceux de “génocide des Tutsi” renforcer l’idée de l’existence des ethnies au Rwanda. On ne peut pas dire que les ethnies n’existent plus, alors qu’on s’investit pour les pérenniser à travers des décisions pareilles.
Les soutiens et leurs intérêts : Israël et Quinée Equatoriale
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Israël
Statut d’observateur à l’Union africaine Dans ses visées expansionnistes, Netanyahu a multiplié des rencontres avec certains dirigeants et hommes influents sur le continent africain pour trouver des soutiens à sa demande d’obtenir le statut d’observateur à l’UA. Le président Paul Kagame, président de l’UA en 2018, est le mieux placé pour Netanyahu. Raison pour laquelle Israël a ouvert son ambassade à Kigali pour pouvoir travailler étroitement avec Kagame sur ce sujet. Trafic de migrants Kagame et Netanyahu ont conclu des accords pour que des migrants africains, essentiellement venant de l’Erythrée, de l’Ethiopie et du Sud Soudan, qui ne sont pas les bienvenus en Israël, soient renvoyés au Rwanda moyennant le paiement du prix de 5000 dollars par migrant déporté. Même des survivants de la Shoah, des rabbins, des médecins et des pilotes d’avions et d’autres acteurs de la société civile israélienne se sont mobilisés pour tenter de contrecarrer ces projets. Personne n’est dupe, les accords sont là.
L’attentat du 06 avril 1994 contre l’avion du président Juvénal Habyarimana et de son homologue burundais Cyprien Ntaryamira
Ce qui n’est pas dit dans tout cela, c’est que Paul Kagame espère rendre ces services à Netanyahu et en retour, il attend de celui-ci d’user de son influence pour persuader les autorités françaises de permettre le non-lieu sur cette affaire toujours en cours en France.
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Guinée équatoriale: l’ennemi de mon ennemi est mon ami” !
Deux évènements se sont passés en 2017 montant les autorités équato-guinéennes contre la France. En octobre 2017, Teodorin Obiang Ngwema a été condamné à 3 ans de prison avec suris en France pour “s’être frauduleusement bâti un patrimoine considérable en France” dans un procès appelé “biens mal acquis”. En sa qualité de Vice-président et fils du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, cette condamnation a été perçue comme une atteinte à la souveraineté de la Guinée Equatoriale. En outre, un putsch a été déjoué en Guinée équatoriale dans la nuit du 27 au 28 décembre 2017. Du coup, le chef de l’Etat Obiang Nguema a accusé la France et le Tchad. Même s’il n’y a pas de tensions officielles entre la France et Guinée Equatoriale, cette situation montre que Kagame a des facilités pour convaincre son homologue équato-guinéen que la France ne respecte pas leurs souverainetés. Ils doivent se rallier et se soutenir pour défendre car leur ennemi devenu commun. En observant toutes ces manœuvres de Paul Kagame, l’on se demande pourquoi il crie victoire et se targue d’avoir développé le pays alors que la société rwandaise se polarise et que la fracture sociale se creuse davantage. Il n’a jamais eu, dans toutes ses interventions et tous ses actes, ni un ton conciliant, ni un discours apaisant, ni un projet de réconciliation nationale. Il ne fait que raviver, dans la population, toute cause de discorde, de tension, voire de haine. La question que tout observateur se pose est le pourquoi un gouvernement s’investit autant pour un projet qui divise profondément le peuple qu’il est censé réconcilier? La dictature néolibérale imposée au peuple rwandais ira jusqu’où?
Jean-Charles Murego 18-02-2018
SOURCE: Génocide des Tutsi : Hold up décisionnel à l’Assemblée générale de l’ONU!