HOMMAGE aux victimes de KIBEHO et de KASESE (en RDC)
Nous pensons à nos proches parents, amis et connaissances massacrés à KIBEHO (plus de 8000 tués le 22/04/1995) et sur le chemin de fer de KASESE en RDCongo (plus de 30.000 tués le 22/04/1997 .
Le CLIIR rappelle qu’il y a 24 ans, dans la seule journée du 22/04/1995, sous le commandement du Colonel Fred IBINGIRA, l’Armée dit « Patriotique » du FPR-Inkotanyi a massacré plus de 8000 déplacés de guerre Hutus regroupés dans le camp de Kibeho (à Gikongoro dans l’actuel province du Sud). Ce crime de génocide a été commis sous les yeux des Casques Bleus australiens et noirs africains de l’ONU et qui faisaient partie de la MINUAR II (Mission des Nations Unies pour le Rwanda). C’est à l’époque où le Président Pasteur BIZIMUNGU et le Premier Ministre TWAGIRAMUNGU Faustin (tous deux Hutus) n’exerçaient aucun pouvoir sur l’Armée de Kagame.
Le CLIIR rappelle également qu’il y a 22 ans, dans la seule journée du 22/04/1997, sous le commandement général du Colonel James KABAREBE, l’Armée du président Paul KAGAME a massacré plus de 30.000 réfugiés Hutus sur le chemin de fer de KASESE en RDCongo pendant la guerre de conquête pour s’approprier les richesses de ce pays. Tous ces crimes sont restés impunis jusqu’aujourd’hui.
Vous tous qui ont survécu et/ou qui ont perdu les vôtres dans les massacres de KIBEHO et/ou sur le chemin de fer de KASESE en République Démocratique du Congo (RDC), nous vous invitons, ce lundi de Pâques 22/04/2019, à leur rendre hommage dans vos pensées et dans vos prières. Rendons hommage également à des centaines de milliers d’autres réfugiés massacrés entre 1996 et 1998 depuis les frontières de Bukavu et Goma au KIVU (à l’Est de la RDC) jusqu’à la frontière Nord-Ouest de Mbandaka (sur une distance de 2000 km à travers les forêts équatoriales de la RDCongo)
Pour ceux qui auraient perdu le souvenir de ces crimes de génocide commis sur des civils innofensifs, voici quelques extraits de témoignages sur ces massacres de Kibeho et de KASESE en RDC, les victimes qui ont été massacrées dans les seules journées du 22/04/1995 (à Kibeho) et du 22/04/1997 (en RDC) l’ont été comme suit :
1) Le début de l’holocauste sur le chemin de fer de KASESE (22/04/1997 vers 14h) :
Voici un témoignage du rescapé Niwese Maurice dans son livre : « Le peuple rwandais, un pied dans la tombe, récit d’un réfugié étudiant » et édité dans la Collection « Mémoires Africaines » chez l’Harmattan en 2001 ; pages 159 à 162.
« Devant nous s’installèrent ces militaires qui nous conduisaient avec leurs mitrailleuses et les caisses d’obus. Ils tournèrent les canons sur nous. Ils étaient tellement nombreux qu’il y en avait partout. Sans pitié, ils ouvrirent le feu. Les gens moururent par centaines. Le sang coula partout, se mêla au repas qu’on préparait et tout devint rouge. Je restais cloué par terre et attendais de recevoir une balle dans la tête. A côté de moi, parent, ami, voisin tombait. D’un coup, les gens blessés ou non, commencèrent à fuir vers l’intérieur de la forêt. Je suivis le mouvement et me lançait dans la forêt. Pas de chance là-bas non plus. Ayant tout prévu, les militaires y étaient. On échappait par hasard, sinon la mort était partout.
Ces tueries durèrent trois jours. Les 2ème et 3ème jours, les militaires nous pourchassèrent dans la forêt. Ils examinaient également les cadavres pour achever ceux qui gardaient encore le souffle. Dans la forêt, l’homme attrapé était immédiatement tué. Les femmes, quant à elles, étaient emportées. Une femme rescapée me raconta par après qu’elles étaient sauvagement violées. On les tuait par après. Les militaires mettaient les canons des fusils dans leurs sexes pour déclencher le feu. Ce témoignage fut confirmé par les cadavres des femmes que nous avons découverts par la suite. Après le troisième jour, des camions commencèrent à transporter des citernes de carburant. On brûla les corps étendus le long du chemin de fer. Cette opération a précédé l’arrivée des humanitaires”.
2) Pour les massacres de KIBEHO, laissons la parole à Mme Claudine VIDAL (sociologue française qui a revisiter les archives et les rapports de Médecins Sans Frontières (MSF) à Paris :
« Au Rwanda, dans le camp de Kibeho, le 22 avril 1995, des soldats de l’Armée patriotique rwandaise (Apr) encerclent quelques 100 000 personnes, regroupées dans un espace restreint. Utilisant armes automatiques, lance-roquettes et grenades, les militaires tirent longuement à plusieurs reprises sur la foule.
Ce massacre, qui fit sans doute autant de morts que les attentats d’Al-Qaida du 11 septembre 2001, eut sur le coup un grand retentissement dans la presse internationale. Cependant, perpétré moins d’une année après le génocide des Rwandais tutsis abandonnés à leur sort par le Conseil de Sécurité de l’Onu, il ne suscita pas de réaction significative de la communauté internationale. Massacre parmi d’autres, dans cette région qui connut et allait encore connaître de nombreux bains de sang, il s’oublia ». (…).
Samedi 22 avril (1995)
Le matin, l’équipe MSF, renforcée par d’autres volontaires de cette organisation travaillant au Rwanda, est prévenue par radio, depuis l’hôpital de Kibeho, qu’il y a eu des tirs de l’APR (Armée Patriotique Rwandaise) toute la nuit. Leur convoi se rend au camp, est longuement retardé par des barrages, puis, sur la fin de la matinée, atteint l’hôpital, escorté par des Casques bleus.
Plusieurs heures durant, les témoins de MSF seront sur le site de Kibeho qu’ils évacueront avant la nuit (entre 17/18 heures). Impuissants, ils assisteront aux tueries depuis trois endroits : l’hôpital, le camp I (caserne des Zambiens) et le camp II (caserne des Australiens) de la MINUAR. Voici un bref résumé de leurs témoignages.
Une pluie diluvienne se met à tomber. Ils commencent à donner des soins aux blessés lorsque, vers 12 heures15, ils entendent des tirs, de plus en plus intenses dans la cour de l’hôpital. Ce sont des soldats de l’APR qui tirent depuis l’hôpital sur les déplacés. Les volontaires restent bloqués là, à plat ventre, près d’une heure jusqu’à ce que des Casques bleus les évacuent dans la caserne du bataillon zambien de la MINUAR. Une partie de l’équipe tente de soigner les blessés transportés par les Casques bleus dans cette caserne. Une autre partie décide de se rendre dans la deuxième caserne de la MINUAR, celle des Australiens. Obligés de finir le trajet à pied, car la route est recouverte de corps empilés sur toute sa largeur, ils marchent sur les cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants. Durant le temps qu’ils vont passer dans cet endroit, ils entendent successivement des tirs sporadiques, des rafales courtes, enfin une fusillade intense et continue.
Selon les témoignages de ceux qui sont restés dans la première caserne, les tirs reprennent vers 14 heures 30 et continuent plusieurs heures. Des soldats rwandais, montés sur le mur de ce bâtiment, tirent de là sur la foule, indifférents à la présence des Casques bleus et des gens de Msf. Les Casques bleus (qui ont reçu de leur commandement à Kigali l’ordre de ne pas utiliser leurs armes) disent que l’Apr utilise des mini lance-roquettes (RPG), des grenades et des kalachnikovs. Les secouristes Msf essaient à plusieurs reprises de sortir avec une escorte de militaires zambiens mais, à chaque fois, ils doivent rebrousser chemin à cause des tirs. » Avant cette longue série de tirs, il y avait encore des centaines de personnes qui étaient rassemblées sur la route de Butare, prêtes à partir. Quand les tirs ont cessé et qu’on a pu sortir, il n’y avait plus personne debout, tous fauchés. » En fin d’après-midi, les Australiens évacuent les volontaires de leur caserne et récupèrent ceux qui étaient restés bloqués dans la caserne zambienne. Autour du camp de la Minuar, le sol est recouvert de morts et de blessés, de nombreux cadavres sont visibles plus loin sur la colline » (…).
Fait à Bruxelles, le 22 avril 2019
Pour le CLIIR, MATATA Joseph, Coordinateur.