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Il n’y a pas de pardon sans offense (Jean-Pierre Prévost)

Il n’y a pas de pardon sans offense

Le refus de pardonner, et donc de se réconcilier, est une perte sèche pour l’offensé. Il engendre toute une série de symptômes, voire de pathologies, qui n’épargnent aucune sphère de la personne. La rancœur, par exemple, (littéralement le ranci-cœur, le cœur ranci) est une conséquence affective fréquente du pardon refusé. Celui qui refuse de pardonner ne détourne qu’apparemment son regard de l’offenseur. Il mobilise en fait ses énergies à le détester. Cette attitude de haine, de ressentiment, met la personne dans un état psychique contradictoire, replié, qui éteint progressivement la vie. C’est un processus dynamique qui n’est pas sans rappeler l’extension d’une maladie infectieuse. 

  • Ce que le pardon n’est pas  

L’existence du pardon s’inscrit dans le triangle offensé, offense et offenseur. Il n’y a pas de pardon sans offense. Et le premier temps obligé de toute démarche de pardon est la reconnaissance de la blessure et de ses conséquences. Le pardon n’est donc certainement pas l’oubli de l’offense. Celui-ci, appelé refoulement en psychologie, enferme dans l’illusion de la guérison, alors même que la blessure n’a rien perdu de sa virulence. Le pardon n’est pas non plus l’indifférence à l’égard de ceux qui ont blessé. Celle-ci n’est qu’une manière de se protéger, un moindre mal qui permet de survive un temps, lorsque la blessure est trop douloureuse. 

  • Pardon et réconciliation 

Le mot même de pardon le rappelle: le par-don est le parfait don. Il consiste à ne pas faire payer, à effacer la dette et à renoncer à une vengeance pourtant légitime. Ce geste de pardon appartient à l’offensé et n’attend pas nécessairement de geste préalable de l’offenseur. Revendiquer l’initiative de l’offenseur serait, pour une part, réduire le pardon à un dû, donc à un acte de justice. Mais ce serait surtout courir le risque de ne jamais pardonner. Or le pardon est un acte de gratuité qui se caractérise, sinon par un élan chaleureux, du moins par une bienveillance retrouvée à l’égard de l’offenseur. Si celui-ci répond positivement, le pardon peut se muer en réconciliation et restaurer la communion entre les personnes. Provisoirement bien sûr, car vivre ensemble implique un effort constant et une acceptation qui est un pardon mutuel et une réconciliation de chaque jour. 

  • Comment pardonner ? 

À la cour de Louis XIII ou de Louis XIV, un gentilhomme ne pouvait pardonner un affront sans perdre la face et son honneur. Il devait se venger, ou plutôt acquitter sa dette en versant le sang ou en tuant son offenseur. Pardon était synonyme de lâcheté. Certains amours-propres réactualisent aujourd’hui cette attitude. Alors que le pardon exige au contraire de la part de celui qui y consent le courage d’effectuer un deuil terrible: il renonce à son droit, à son honneur, à sa vie même, c’est-à-dire à celui qui lui tient à cœur. Le premier pas du pardon est donc le refus – la décision du refus – de se venger. Désarmer sa haine et s’armer d’amour. Ce qui constitue une véritable révolution, une création (ou une recréation) intérieure. 

Jean-Pierre PRÉVOST

Psychologue en centres de consultations conjugales en Belgique (en 1998)

Source: Extrait d’un article du magazine belge chrétien « L’APPEL » n° 207 du mois d’avril 1998 page16

A lire aussi:

1) Immaculée ILIBAGIZA, MIRACULÉE, Dans l’enfer du génocide rwandais, elle trouve la lumière, Éditions J’ai lu, Paris, 2007, 346 pages

MIRACULEE

2) Immaculée ILIBAGIZA, De l’horreur au pardon, Témoignage d’une rescapée du Rwanda, Editions Artège, France, 2010, 217 pages

De l’horreur au pardon