Projet-DVJP : Promoteur de la réconciliation rwandaise

By | juin 18, 2023

Article publié dans le Journal belge : DIMANCE numéro 21 Hebdomadaire 28 mai 2023 CathoBel.

En 1994, les Rwandais vécurent cent jours de terreur et subirent un génocide qui décima près de 800.000 personnes. Comme beaucoup d’autres, Aloys MUSOMESHA en a été profondément affecté. Exilé en Belgique, il s’est donné comme mission de promouvoir la réconciliation.

 

 Ancien avocat au barreau rwandais, Aloys Musomesha a le droit chevillé au corps. A la suite du génocide, il a défendu les droits humains et s’est opposé aux détentions arbitraires. Réfugié en Belgique, il est devenu animateur pastoral et médiateur de conflits, mais n’a pas laissé le droit de côté. Son rêve? Que lui et tous ses concitoyens puissent retourner au pays car, dit-il en se référant à l’article 9 de la Déclaration universelle des droits humains, « nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé ». C’est ainsi qu’il associe la fin de l’exil à sa mission de vie: contribuer à une vraie réconciliation du peuple rwandais.

Se réconcilier c’est se remettre d’accord avec quelqu’un. Avec l’aide de la médiation, le processus prôné par Aloys tient en quatre mots: Droit, Vérité, Justice et Pardon. « La réconciliation est l’unique moyen pacifique de résoudre les conflits. Cela se fait grâce à la vérité [sur les faits], la justice [réparatrice] et le pardon [authentique], et en étant guidé par des normes légales visant à prévenir les éventuels conflits futurs », explique-t-il.

Retrouver la foi en l’humanité

Le droit à la réconciliation devrait figurer parmi les droits humains, estime celui qui se consacre déjà depuis plus de vingt ans à ce sujet. C’est pour défendre cette idée qu’il a créé en 2001, le Projet DVJP, reprenant les initiales des quatre mots-phares. « Pour que les individus puissent revivre ensemble, il faut trouver les nouveaux droits qui peuvent guider ces personnes vers la réconciliation afin de retrouver l’humanité qu’elles ont perdue. »

Face au traumatisme du génocide, le meilleur moyen de retrouver la foi en l’humanité, estime Aloys, c’est le pardon. Mais celui-ci nécessite une réparation: « Les deux vont ensemble mais cela ne veut pas dire qu’elle doit commencer avant. C’est tout un processus qui inclut aussi bien la réparation matérielle que symbolique. Il est essentiel de contribuer à ce que la personne offensée reçoive une réparation juste. Mais il faut aussi réparer les cœurs des gens, y compris ceux des offenseurs. » Aloys s’oppose ainsi à la condamnation à perpétuité et à la peine de mort.

Dépolitiser la réconciliation

Se voulant foncièrement indépendant et apolitique, le Projet DVJP se dit non religieux. Notre interlocuteur s’affiche pourtant croyant et porté par la foi: « Le pardon est une grâce divine. Il faut une instance supérieure qui donne cette force de pardonner, d’abandonner cette rancune, de ne pas se venger. Je me suis senti si bien dans mon corps; je n’ai plus ressenti de haine ni de vengeance. C’est là qu’a commencé le processus de pardon. » Mais Aloys se présente aussi comme un libre penseur, au sens où il imagine pour l’Eglise de nouveaux projets pastoraux dans le domaine de l’éducation à la réconciliation.

Par ailleurs, estime-t-il, « ce n’est pas aux politiciens de promouvoir le pardon. Il faut dépolitiser la réconciliation et permettre à la société civile de pardonner. Les grâces présidentielles, les amnisties sont pour moi des faux pardons. Le vrai pardon vient du cœur. Sans cela, il n’y a pas de vraie réconciliation. Je vois donc un rôle des responsables de cultes pour encourager les autorités politiques à reconnaître le pardon comme une valeur sacrée, à promouvoir au niveau de la population. »

Un processus continu

« Même si je rêve la fin de l’exil, la réconciliation restera un processus continu. Elle doit se faire entre les individus – victimes et bourreaux – mais aussi au niveau de la communauté. Il faut la considérer au sens global et axer sur la prévention pour éviter de créer des tensions qui conduiraient à d’autres génocides », précise encore Aloys Musomesha.

En conclusion, il invite donc la société civile rwandaise et les cultes à humaniser la justice par le pardon. Pour cela, il appelle à la création d’un nouveau système juridique et politique fondé sur les valeurs sacrées de la communauté. Il en a fait l’œuvre de sa vie et considère la réconciliation comme une lumière qui mettra définitivement fin à la crise et ramènera la paix.

Nancy GOETHALS et Manu VAN LIER

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